Le trésor de Jalès

Mercredi 25 mars 2020

On veille au grain !

Le trésor des templiers…. Beau sujet de fantasme, de recherches sauvages, d’élucubrations folkloriques ! Certes, les templiers étaient riches. Immensément riches ! Mais, pour l’essentiel, cette richesse ne se traduisait que peu en monnaies d’or et d’argent ; elle résidait essentiellement dans leurs immenses propriétés foncières et dans les revenus agricoles qu’ils généraient. Julie Ayglon dans son Mémoire d’Histoire de Master 2 (Université Paul Valéry Montpellier III UFR III) portant sur l’étude du Chartrier de la Commanderie de Jalès donne une idée précise du domaine proche du chef de la commanderie.

On sait par ailleurs que l’Ordre du Temple et son successeur l’Ordre des Hospitaliers puis de Malte, ont établi régulièrement des états des biens et des revenus des commanderies. Durant le moyen Age, ce contrôle régulier répondait à la nécessité de connaître les moyens humains et matériels dont on pourrait disposer en cas de nouveau projet de Croisade. Plus tard, une part de ces revenus représentait l’essentiel des subsides permettant à l’état souverain de Malte de remplir sa double fonction maritime et hospitalière.

Et Jalès dans tout ça ?

Dans l’ouvrage « Histoire des grands prieurs et du prieuré de St Gilles » (Jean Raybaud 1904 Editions Chastanier, Nîmes), on trouve le compte rendu de la visite détaillée que les responsables du prieuré ont faite à Jalès le 28 août 1763.

Ce compte rendu nous apporte trois types d’informations : Il décrit de manière très détaillée l’état de la commanderie telle que le commandeur de Laubérivière l’avait restaurée, étendue et embellie. Il nous donne une idée précise des possessions (les « membres ») dont elle disposait dans la région. Il nous renseigne enfin sur les revenus annuels de Jalès.

Un immense territoire.

Avant d’aborder ce dernier point, voici la liste des membres de Jalès en 1763 :

Certains toponymes sont ambigus. Ils peuvent désigner à la fois des communes ou des hameaux de communes. A cette précaution près on peut constater sur la carte suivante que le territoire de rapport de Jalès s’étend sur trois départements : Ardèche, Gard, Lozère.

Parlons argent !

Que rapporte Jalès en 1763 ? Les visiteurs, instruits par l’intendant de Jalès, Antoine Fuzet, indiquent les sommes suivantes :

Revenu général de la commanderie de Jalès : 19 212 livres, 5 sols, 6 deniers

Charges  : 5 582 livres, 19 sols, 3 deniers

Reste net au commandeur : 13 479 livres 6 sols, 3 deniers

Pour mémoire, la livre valait 20 sous, le sou valait 12 deniers.
Que dire des revenus du commandeur de Laubérivière sinon qu’ils nous semblent importants. Mais nous manquons de points de comparaison avec une échelle de revenus actuels. On imagine bien que ce n’est pas le revenu d’un ouvrier agricole ! Est-ce pour autant celui d’un grand patron du CAC 40 ?

Un salaire de ministre.

On trouve sur internet un « convertisseur de monnaies anciennes » qui nous propose l’équivalence suivante : la livre de 1763 vaut 11,35 € d’aujourd’hui. Le revenu annuel de Laubérivière approcherait donc les 153 000 € soit un peu plus qu’un ministre actuel. Il faut toutefois prendre cela avec beaucoup de prudence : on ne sait en effet pas sur quoi se fonde le « convertisseur » : sur la valeur de l’or ou de l’argent dont on sait la volatilité quotidienne à notre époque ? Sur le salaire journalier d’un ouvrier agricole ou d’un compagnon comparé au SMIC alors que l’on sait qu’à l’époque, si les salaires évoluaient peu, ils étaient très divers selon les lieux ? Sur le prix du pain ou des marchandises, alors que l’on sait que ceux-ci, au moins dans le domaine alimentaire, n’ont cessé d’augmenter au cours du XVIIIe siècle ? Tout cela est beaucoup trop flou…

Soyons sérieux !

Alors, si l’on ne peut pas de manière incontestable comparer les revenus de 1763 avec ceux d’aujourd’hui, il reste une autre méthode pour avoir une idée plus juste des revenus du commandeur : tenter une comparaison avec les revenus d’autres personnes à la même époque. On peut pour cela s’appuyer sur plusieurs sources et en premier lieu sur l’article de Jean-Pierre Poussou dans Le « Dictionnaire de l’Ancien Régime » (puf) concernant les salaires à la veille de la Révolution (p 1118).

On peut aussi rechercher dans les « livres de raison » ces livres de comptes que tenaient bien des chefs de famille autrefois. Témoin celui d’un bourgeois de Bourg-Argental en 1732 (Revue du Vivarais de novembre 1898)

On peut enfin s’appuyer sur le salaire des ecclésiastiques tel qu’il est défini par la loi du 12 juillet 1790 sur la constitution civile du clergé.

D’autres méthodes sont sans doute possibles. Ce que l’on peut dire en tout cas c’est que le commandeur de Jalès gagnait largement sa vie. Il faut d’ailleurs noter que la commanderie de Jalès figurait en 1763 dans le top 10 des revenus des 56 commanderies dépendant du prieuré de St Gilles.

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