L’appel à la croisade

Mardi 24 mars 2020

L’appel à la croisade

Urbain II

On sait que c’est à l’issue du concile de Clermont en 1095 que le pape Urbain II a appelé à la croisade. Toutefois, contrairement aux décrets apostoliques du concile, le discours d’appel à la croisade n’a pas fait l’objet d’un écrit authentique. On en connaît toutefois la teneur grâce au récit que le chapelain Foucher de Chartres (1059 -1127), présent au concile, en a fait dans son « Historia Hierosolymitana ». Voici ce qu’il rapporte : Cependant le pape ajouta que d’autres tribulations, non moindres que celles qu’on a rappelées plus haut, mais plus grandes et les pires de toutes, et issues d’une autre partie du monde assiégeaient la chrétienté. « Vous venez, dit-il, enfants du Seigneur, de lui jurer de veiller fidèlement, et avec plus de fermeté que vous ne l’avez fait jusqu’ici, au maintien de la paix `parmi vous, et à la conservation des droits de l’Eglise. Ce n’est pas encore assez ; une œuvre utile est encore à faire ; maintenant que vous voilà fortifiés par La correction du Seigneur, vous devez consacrer tous les efforts de votre zèle à une autre affaire qui n’est pas moins la vôtre que celle de Dieu. Il est urgent en effet que vous vous hâtiez de marcher au secours de vos frères qui habitent en Orient, et ont grand besoin de l’aide que vous leur avez tant de fois déjà promise hautement.

Turcs Seldjoukides

Les Turcs et les Arabes se sont précipités sur eux, ainsi que plusieurs d’entre vous l’ont certainement entendu raconter, et ont envahi les frontières de la Romanie jusqu’à cet endroit de la mer Méditerranée qu’on appelle le Bras de Saint Georges étendant de plus en plus leurs conquêtes sur les terres des Chrétiens, sept fois déjà ils ont vaincu ceux-ci dans des batailles, en ont pris ou tué grand nombre, ont renversé de fond en comble les églises, et ravagé tout le pays soumis à la domination chrétienne. Que si vous souffrez qu’ils commettent quelque temps encore et impunément de pareils excès, ils porteront leurs ravages plus loin et écraseront une foule de fidèles serviteurs de Dieu. C’est pourquoi je vous avertis et vous conjure, non en mon nom, mais au nom du Seigneur, à vous les hérauts du Christ d’engager, par de fréquentes proclamations, les Francs de tout rang, gens de pied et chevaliers, pauvres et riches, à s’empresser de secourir les adorateurs du Christ, pensant qu’il en est encore temps, et de chasser loin des régions soumises à notre foi la race impie des dévastateurs.

Pèlerins à Jérusalem

Cela, je le dis à ceux de vous qui sont présents ici, je vais le mander aux absents ; mais c’est le Christ qui l’ordonne. Quant à ceux qui partiront pour cette guerre sainte, s’ils perdent la vie, soit pendant la route sur terre, soit en traversant les mers, soit en combattant les idolâtres, tous leurs péchés leur seront remis à l’heure même : cette faveur si précieuse, je la leur accorde en vertu de l’autorité dont je suis investi par Dieu même. Quelle honte ne serait-ce pas pour nous si cette race infidèle si justement méprisée, dégénérée de la dignité d’homme et vile esclave du démon, l’emportait sur le peuple élu du Dieu tout puissant, ce peuple qui a reçu la lumière de la vraie foi, et sur qui le nom du Christ répand une si grande splendeur ! Combien de cruels reproches ne nous ferait pas le Seigneur, si vous ne secouriez pas ceux qui, comme nous, ont la gloire de professer la religion du Christ ? Qu’ils marchent, dit encore le pape en finissant, contre les infidèles et terminent par la victoire une lutte qui depuis longtemps déjà devrait être commencée, ces hommes qui jusqu’à présent ont eu la criminelle habitude de se livrer à des guerres intérieures contre les fidèles ; qu’ils deviennent de véritables chevaliers, ceux qui si longtemps n’ont été que des pillards ; qu’ils combattent maintenant, comme il est juste contre les barbares, ceux qui autrefois tournaient leurs armes contre des frères d’un même sang qu’eux ; qu’ils recherchent des récompenses éternelles, ces gens qui pendant tant d’années ont vendu leurs services comme des mercenaires pour une misérable paye ; qu’ils travaillent à acquérir une double gloire ceux qui naguère bravaient tant de fatigue au détriment de leur corps et de leur âme. Qu’ajouterai-je de plus ? D’un côté seront des misérables privés des vrais biens, de l’autre des hommes comblés des vraies richesses ; d’une part combattront les ennemis du Seigneur, de l’autre ses amis. Que rien donc ne retarde le départ de ceux qui marcheront à cette expédition ; qu’ils afferment leurs terres, rassemblent tout l’argent nécessaire à leurs dépenses, et qu’aussitôt que l’hiver aura cessé pour faire place au printemps, ils se mettent en route sous la conduite du Seigneur. » Ces exhortations d’Urbain II donnent une piètre idée de ce que pouvait être « l’idéal chevaleresque » de l’époque ! On comprend mieux la nécessité de la réforme Grégorienne (voir : Croisade, Templiers et… réforme Grégorienne ! )…

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