Croisade, Templiers et… réforme Grégorienne !

Mercredi 25 mars 2020

Regarder Jalès de haut grâce aux photographies aériennes d’Olivier Barge donne une autre vision de la réalité et enrichit notre compréhension de la commanderie. Il peut en être de même en matière historique : considérer l’histoire de Jalès en la rattachant à un contexte qui la dépasse, qui lui donne un autre éclairage, qui nous la fait voir sous un autre angle, tel est le propos du texte ci-dessous…

Templiers, croisade, deux conséquences de la réforme grégorienne

Qui s’intéresse aux templiers sait que leur histoire est intimement liée à celle des croisades. L’appel à la croisade par le pape Urbain II lors du concile de Clermont en 1095 est bien connu aussi. Ce qui l’est un peu moins c’est le rapport entre tout cela et ce mouvement de chamboulement médiéval que l’on appelle la réforme grégorienne. Essayons d’y voir un peu clair…

Un temps de confusion

Le 11e siècle se caractérise par une certaine confusion, aussi bien dans l’église que dans la société seigneuriale. Du haut en bas de la hiérarchie sociale, on constate :
Une porosité importante entre société seigneuriale et hiérarchie ecclésiastique. Quelques exemples : Les papes sont bien souvent choisis par l’empereur du St Empire Romain germanique… qui parfois les font invalider ou tentent de le faire ! Certains ducs donnent l’investiture aux évêques de leur territoire. De nombreux évêques et abbés sont devenus des seigneurs. On voit par exemple des évêques normands en armes prendre part à la bataille de Hastings en 1066.
Une obsolescence de certains fondements religieux. Le principe du célibat et de la chasteté est battu en brèche en plusieurs endroits : à titre d’exemple l’archevêque Robert d’Évreux a eu un fils, comte d’Évreux. Cette pratique se nomme le « nicolaïsme ».
La « simonie » sévit partout : des prêtres vendent les sacrements, s’adonnent au trafic des reliques et en tirent des revenus substantiels.
La paix, s’il vous plait ! Les seigneurs entretiennent de fréquents conflits armés avec leurs voisins afin d’affirmer leur pouvoir sur leurs possessions (leur ban) ou de l’élargir. La paysannerie est la première victime, entraînant dans de nombreux cas des pénuries de denrées alimentaires. C’est cet état de fait que plusieurs papes vont tenter de modifier. Ce fut le cas de Grégoire VII qui a donné son nom à la réforme en question, et d’Urbain II dont on a surtout retenu l’appel à la croisade au cours du concile de Clermont. Il faut toutefois remettre cet appel dans le contexte de la réforme en cours.

Les principales décisions du concile de Clermont

Concile-de-Clermont

Concernant les relations entre seigneurs et église Nul ne doit recevoir une charge ecclésiastique d’un laïc.
Les rois et les princes ne donnent aucune investiture.
Aucun évêque ou prêtre ne doit jurer au roi ou à tout autre laïc le ligium fidelatis (serment de fidélité).
Quiconque se saisit d’un évêque et le met en prison sera frappé d’une infamie éternelle et condamné à ne plus porter d’armes.


Concernant l’église Aucun clerc (ecclésiastique) ne peut porter les armes.
Tout prêtre, diacre, sous-diacre ou chanoine vivant dans l’incontinence sera déposé.
On n’admet dans les maisons des clercs aucune femme, sauf celles dont les saints canons tolèrent la présence.
Les bâtards ne doivent pas être admis aux ordres et dignités de l’Église, à moins qu’ils ne soient moines ou chanoines.
Les fils de prêtres, diacres, sous diacres et chanoines ne doivent pas être admis aux charges et dignité de l’église, à moins qu’ils ne soient devenus moines ou chanoines réguliers.

Concernant les seigneurs et la société en général Les moines, clercs et femmes doivent jouir quotidiennement de la Paix de Dieu (on doit observer la trêve de Dieu du coucher de soleil du mercredi au lever de soleil de lundi). En raison de la cherté des vivres, elle est assurée aux paysans et aux marchands tous les jours de la semaine pour une durée de trois ans.
Les croix dressées le long des chemins comportent le droit d’asile comme les églises.

En avant la croisade…

Pour Urbain II, l’appel à se rendre à Jérusalem pour délivrer le tombeau du Christ est dans la droite ligne de la réforme en cours. C’est au nom de la Paix de Dieu, c’est-à-dire la paix entre tous les chrétiens, qu’il appelle à soutenir les chrétiens d’Orient. Répondre à cet appel,c’est à la fois :
Un acte valant pénitence (« Une pénitence est accordée à tous ceux qui font le voyage à Jérusalem par piété, et non par orgueil ou par avarice »).
Un moyen d’unifier la chrétienté occidentale sous l’autorité pontificale.
Une façon d’inciter les seigneurs à cesser les conflits locaux qui ruinent les campagnes.
Et, peut-être, pour ceux qui se sentent à l’étroit dans leur fief, l’occasion d’aller chercher de nouveaux titres et biens dans l’Orient de Terre Sainte.
Ironie de l’histoire, c’est donc au nom de la paix de Dieu que l’on invente la notion de Guerre Sainte !

Pour dédouaner les Templiers

Hugues de Payns

La milice des « pauvres chevaliers du Christ et du Temple de Salomon », créée par Hugues de Payns vers 1120 pour sécuriser les voies de pèlerinage, pause à l’évidence un problème vis-à-vis des dogmes de la réforme grégorienne ! Soldats ou moines, il faut choisir… Hugues de Payns réglera le problème en trois temps :
Comme chevalier, il se met sous la protection du roi de Jérusalem Beaudouin II qui lui offrira le site de la mosquée al-Aqsa, considérée comme l’ancien Temple de Salomon
Comme chrétien, il part en occident pour recueillir et obtenir l’onction du pape Honorius II
Comme homme d’ordre, aidé en cela par l’une des plus hautes autorités spirituelles de la chrétienté, Bernard de Clervaux, il rédige la règle de l’ordre du Temple et la fait approuver au concile de Troyes en 1129.
Véritable révolution dans l’univers religieux de l’époque, la notion de « moines-soldats » était née !


Le conflit avec Philippe le Bel et la fin du Temple

Près de deux siècles plus tard, l’ordre du Temple disparaît sous les coups du roi de France Philippe-le-Bel. Le vendredi 13 octobre 1307, il fait arrêter tous les Templiers de France. On est loin des canons de la réforme grégorienne ! Les Templiers dépendent en effet uniquement de l’autorité pontificale. Mais Philippe-le-Bel n’en a cure. Il n’en est pas à son coup d’essai… Il a déjà tenté de faire invalider le pape Boniface VIII, n’hésitant pas à faire sous-traiter par son conseiller Guillaume de Nogaret un enlèvement du pontife en question qui, en réponse, l’excommunie. Le pape Grégoire V aura le plus grand mal à faire accepter au roi de France, mais bien trop tard pour les malheureux templiers, de remettre le sort de l’ordre du Temple dans les mains du pontificat.

Une nouvelle notion émergeait : le gallicanisme…

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